CHAPITRE VIII
CAL
— Belem, je fais, tu ramènes Kil avec deux soldats du Palais, on file au camp de l'armée. Raconte ce qui s'est passé à Nela. Remets les gardes à l'officier de permanence du Palais.
L'officier d'ordonnance a disparu, on sort avec Salvo, Siz et Lou.
Sur le chemin du camp Giuse se rapproche.
— Tu crois qu'il était au courant, Chak ? Je veux dire pour toute cette histoire ? Les accusations contre nous ?
— Oh ! il devait bien se douter qu'il s'agissait d'un coup monté. Et il savait bien qu'on s'en tirerait !
— Mais enfin comment tu sais ça ?
— J'ai commencé à subodorer quelque chose de ce genre quand il a été impossible de le joindre. Pas normal, compte tenu des relations qu'on avait avec lui. À mon avis ça voulait dire qu'il ne voulait pas y être mêlé, qu'il voulait rester au-dessus de la mêlée. De toute manière cette histoire n'était qu'un moyen. Un moyen pour certaines grandes familles de retrouver leur ancienne puissance. C'était ça le véritable enjeu. Nous, on était le prétexte, le détonateur, c'est tout.
Outré, le père Giuse !
— Ben dis donc c'est pas joli-joli, hein ?
— C'est la politique. Ah ! il est retors tonton Chak ! Il a laissé faire pour que les Grandes Familles se discréditent et pouvoir les écarter sous prétexte de justice. Ce qui n'est pas entièrement faux d'ailleurs.
— Ça n'a pas l'air de te foutre en boule ?
— C'est arrangé, non ? Et puis je vois le bon côté, Chak a montré qu'il est également fin politique et ça me rassure pour l'avenir. Il a un sacré destin devant lui, ce mec. Maintenant il a les mains libres, politiquement, et sa cote monte de plus en plus dans la population. Il a bien manœuvré, sans se mouiller… Du beau boulot, non ?
— Moi, ça me dégoûte, dit Giuse qui s'écarte.
— Hé !… Ne fais pas la gueule. Moi aussi ça me déplaît, et ça lui déplaisait sûrement à lui aussi. Mais il devait penser à Palar d'abord, pas à ses amis… Ne lui en veux pas.
Il ne répond pas, profitant de ce qu'on arrive au camp pour s'écarter davantage.
Le camp principal est installé sur la rive gauche de l'île, et Chak y a fait construire une maison pour son quartier général. De Vastaj, le Grand Capitaine y habite avec son état-major.
On nous fait entrer tout de suite. Chak est là, avec de Vastaj et deux officiers auxquels il demande de sortir d'un geste.
— Seigneur, je salue.
— Bonjour, Messieurs.
Il a un sourire triste et s'adresse directement à Giuse.
— Je souhaiterais que vous me pardonniez, Monsieur de Ter. Je ne pouvais pas faire autrement et je vous prie de croire qu'il m'en a coûté. On ne laisse pas ses amis plonger dans la boue sans se sentir soi-même sali ! Et il n'est pas facile de rester spectateur…
— Oui, mon cousin m'a expliqué tout ça, fait Giuse en ébauchant un sourire. Vous aviez vos raisons, Seigneur…
Chak se détourne et croise les mains dans le dos.
— D'autant moins facile que mon entourage, le Grand Capitaine en particulier, me suppliait de vous venir en aide. Mais je pensais bien que vous comprendriez vite ce qui se cachait derrière tout cela.
— Merci d'avoir permis à certains de vos officiers de nous parler, je fais.
— C'était le maximum que je pouvais autoriser, dit-il sans bouger. Mais maintenant je puis agir…
Il y a une sorte de rage dans sa voix.
— … Je vous jure bien que des têtes vont tomber ! Surtout dans l'armée, ce qui est malheureux en ce moment.
Je saute sur l'occasion.
— Quelles que soient les circonstances, Seigneur, c'est peut-être un bien. Vous devez savoir que la valeur de certains officiers d'armée est nulle. Et un mauvais officier est dangereux. Je sais qu'il s'agit d'une vieille tradition à Palar mais on ne donne pas un brevet d'officier à un homme après quelques semaines passées dans une école de cadets ! En revanche, vous disposez d'un grand nombre d'officiers de troupe expérimentés et courageux. Reposez-vous sur ceux-là, dont la fidélité vous est acquise, favorisez leur avancement, ce qui ne serait que justice, et l'armée n'en sera que plus forte. Tout le monde n'a pas, à la naissance, les dons du Grand Capitaine. Et il n'y a aucune flatterie dans ces paroles, Monsieur, je fais en me tournant vers de Vastaj qui se dandine, mal à l'aise.
Chak se retourne de notre côté.
— Ah ! que je voudrais que vous restiez longtemps avec nous, Messieurs !… Enfin voyons notre nouveau problème !
Il se penche sur une carte déployée sur la table.
— … Nous avons reçu un message. Une colonne de Noirs a fait halte dans un village, ici exactement. Il n'y avait aucun malade dans la population et ils n'ont commis aucun meurtre. Depuis quelque temps je remarque d'ailleurs moins de violence. Peut-être veulent-ils combattre ainsi notre influence sur la population. Donc ils ont fait halte. Les soldats ont bavardé. Ils parlaient du fleuve ! Il semble que le but de cette colonne, forte d'une centaine d'hommes, est le fleuve, une reconnaissance sur le fleuve qu'ils doivent longer. Vous imaginez bien qu'ils découvriront nos postes de guet. Même vides, ceux-ci seront révélateurs… Il faut donc prendre des mesures, mais lesquelles ? Je désire avoir votre avis.
Alors là c'est la colle ! On approche encore de la carte. Le village est à six jours de marche du fleuve. Où en sont-ils maintenant ? Giuse a eu la même idée et a posé la question.
— Le message est arrivé cette nuit par Oyinou. Les Noirs sont en route depuis hier.
Il reste donc cinq jours… Le temps d'aller à leur rencontre… Oui, mais si on détruit la colonne sa disparition risque d'attirer l'attention de leur général sur le fleuve puisque c'était le but de la reconnaissance…
— Il n'y a pas trente-six solutions, fait Giuse au bout d'un moment, il faut faire disparaître complètement toute trace sur la rive et, pour ça, gagner du temps. Attaquer en leur faisant croire que nous venons d'ailleurs… On les rejoint et on attaque en venant de l'est, avec des soldats à pied, apparemment frais. Ils n'ont jamais eu l'occasion de se heurter à nos fusils, ce sera un énorme avantage. Il n'y avait aucun survivant l'autre jour, donc ils ne savent rien des fusils. Et c'est un excellent entraînement pour notre infanterie.
Je le regarde, les yeux ronds. Quand il se met à faire de la stratégie, le père Giuse…
— Et comment amener de l'infanterie sur place assez vite, interroge de Vastaj, et de l'infanterie fraîche ?
— Tout simple, fait mon vieux pote, avec des antlis ! Nous en avons en grand nombre. Ceux qui savent monter auront une bête, les autres monteront en croupe et chaque cavalier aura un antli de remonte, au bout d'une longe. Sur place on fait se retirer les antlis en trop pour ne laisser qu'un détachement de cavalerie léger et l'infanterie, à pied maintenant. De cette manière on avance à étape forcée pour les coincer assez loin d'ici et on se débrouille pour laisser s'échapper quelques Noirs. Il faut qu'ils aillent rapporter qu'ils ont été attaqués par de l'infanterie venant de l'est. Ça nous laissera le temps de nettoyer la rive du fleuve, notamment les débarcadères.
Et voilà ! Une démonstration… Chak regarde Giuse d'un air rêveur. Je suis certain qu'il est épaté. Il faut dire que Giuse n'est pas du genre à rouler des mécaniques et on le sous-estime souvent.
De Vastaj sourit largement.
— Votre avis ? lui demande Chak.
— Un plan magnifique, Seigneur. Utiliser l'infanterie à antlis, qui aurait imaginé cela !
— Vous savez, Capitaine, reprend Giuse modeste, la mobilité d'une armée double sa puissance. C'est bien connu.
Alors là ! Soufflé, le Grand Capitaine. Je réprime difficilement une envie de rigoler. Il en fait peut-être un peu trop, le gars Giuse, mais c'est sa petite revanche…
*
Dieu ! que j'ai mal aux miches !… Neuf heures qu'on avance sans aucune halte. Et comme par hasard il fait une sacrée chaleur aujourd'hui.
Le temps de monter l'opération, de désigner les troupes et le détachement a pris la route avant-hier après-midi. On a fait un détour par le sud, un arc de cercle, pour arriver derrière la colonne des Noirs. Le contact ne devrait pas tarder, maintenant.
Pendant tout le voyage on a avancé au trot ! Heureusement que chaque cavalier avait un autre antli ! Ça nous a permis de ne jamais nous arrêter. On a amené soixante soldats et trente cavaliers. Fait caractéristique : tous les officiers sont des officiers de troupe ! Chak a retenu la suggestion. Quand même le chef du détachement est un capitaine d'armée. Normal après tout, d'autant que c'est un type expérimenté. Il y en a quand même quelques-uns…
Avant le départ, de Vastaj m'a demandé de laisser au camp Salvo et nos cavaliers. Il avait l'air de craindre un coup fourré. Si bien que nous sommes venus presque seuls, Giuse et moi, accompagnés uniquement de Siz et Lou. Et Nela aussi. Elle a voulu absolument être du coup.
De toute façon il n'y a vraiment rien à craindre à mon avis, le plan de Giuse est trop bien ficelé, et les hommes du détachement sont des durs à cuire qui étaient tous de la grande bataille. La crème de l'armée.
Un officier arrive à côté de moi.
— Le Capitaine souhaiterait vous entretenir, Monsieur.
Je hoche la tête et talonne pour rejoindre le Capitaine Voleru. On est dans une région parsemée de petits bois, avec des prairies d'herbe haute.
— Capitaine ?
— Ah ! Monsieur de Ter. Les éclaireurs reviennent. La colonne est à notre gauche, je pense qu'il est temps de lancer la manœuvre.
— Certainement, je réponds. Si vous le voulez bien mon cousin fera partie de la patrouille de cavalerie qui va attirer les Noirs sur nous, il me l'a demandé.
L'autre acquiesce tout de suite.
— J'allais vous en prier !
On est très mondain aujourd'hui !
Lentement on fait mouvement et l'infanterie est déposée au sol avant de se former en ordre de marche. Tous les officiers ont été informés du plan et ont prévenu les hommes qu'il faudra manœuvrer rapidement.
Maintenant les antlis en trop sont poussés vers l'est par les quelques cavaliers qui en ont la garde.
La patrouille d'avant-garde est partie pour provoquer les Noirs. Je me tourne sur ma selle, cherchant Nela des yeux. Je ne la vois pas. Tout à l'heure elle avançait avec un vieil officier de troupe qu'elle connaît bien.
— Où est Nela ? je demande à Lou.
— Elle est partie avec la patrouille il y a un petit moment.
Ah… au fond pourquoi pas ? Je dois modérer mon inquiétude naturelle.
Une demi-heure plus tard Lou m'annonce :
— Ça y est la patrouille est au contact. Elle a été aperçue et les Noirs font demi-tour.
Pas possible de prévenir le Capitaine. Il me demanderait comment je sais cela. Néanmoins je remonte vers l'infanterie qui marche en tête, en deux groupes de trente hommes, se suivant.
— Il n'y en a plus pour longtemps, je lance au passage aux deux officiers, soyez prêts à manœuvrer.
Ils lèvent la main pour montrer qu'ils ont compris. Les soldats portent l'arme à la bretelle, la baïonnette au côté. Pas l'air inquiets. Le calme des vieilles troupes !
Lou se rapproche soudain.
— La patrouille est obligée de faire un crochet. Elle vient de tomber sur une patrouille de Noirs, en revenant.
Allons bon… Eux aussi envoient des patrouilles pendant la marche du gros de la troupe, c'est normal.
— La colonne ?
— Elle est tout près, elle va nous apercevoir d'un instant à l'autre, je pense.
Je décide de rester avec l'infanterie de tête.
Les Noirs !
La colonne a surgi à cinq cents mètres à peine, derrière un bois. Tout de suite notre infanterie réagit et j'admire le travail fait depuis quelques mois à l'entraînement. Sans affolement les deux groupes de soldats se sont transformés en un bloc parfait. Quatre rangs de quinze hommes.
Déjà les officiers lancent les commandements pour vérifier le chargement des fusils et remplacer la poudre de mise à feu. Pas d'énervement, les hommes font les gestes réglementaires sans précipitation.
Je me tourne vers la cavalerie. Elle se regroupe elle aussi, se mettant en position pour une charge. Là-bas aussi on vérifie les pistolets. Je devrais bien en faire autant. Je plonge le nez dans mon petit arsenal.
J'en termine à peine quand j'entends :
— Premier rang… au sol !… Deuxième rang… à genoux ! Baïonnettes… au canon !
On a beau ne pas être guerrier, ça vous a une certaine allure cette troupe manœuvrant…
Ils chargent ! Je vois les Noirs se déployer et démarrer au galop. Impressionnant !
Je reviens en arrière, vers la cavalerie, quand Lou me rejoint à toute vitesse.
— Cal…, ils ont un canon !
Merde ! On ne nous avait rien dit de ça ! Après la première charge le patron des Noirs va comprendre sa douleur et nous faire pilonner ! Il faut…
— Il était assez loin derrière, continue Lou, avec quelques hommes seulement. Giuse les attaque avec la patrouille.
Lui aussi comprend le danger.
Les Noirs ne sont plus qu'à soixante mètres…
Un tonnerre. L'infanterie a tiré. Du moins les deux premiers rangs.
Une autre salve… Les deux derniers rangs !
Chez les Noirs c'est la panique. Les rescapés se sauvent ! Ils ont perdu un paquet de monde… Non ! Bon Dieu ! la deuxième vague suivait la première de près et elle arrive sur l'infanterie avant que les armes ne soient rechargées…
Je vois arriver quatre Noirs sur moi… À la hâte je dégaine mon sabre… Pas le temps de prendre un pistolet, j'ai été surpris !
À la désespérée je pare un coup droit à la poitrine et riposte au flanc… Je l'ai touché, mais le Noir a disparu de ma vue. Je talonne pour être mobile et lève encore mon arme. En voilà un qui… Mais… ce n'est pas possible, l'homme a un pistolet à la main et m'ajuste… Un éclair… Oh ! ma tête…
*
Dieu ! ces secousses… Arrêtez ça, je vous en prie…
*
J'ai soif… Que j'ai soif !… Pourquoi mes membres sont aussi lourds ?…
*
Cette lumière me blesse les yeux… Mon front… quelque chose le frôle… J'ouvre les yeux. Salvo…
— Comment te sens-tu ?
Complètement perdu. Pourquoi me demande-t-il… ? Son visage se crispe.
— Cal, fais un effort, je t'en prie, souviens-toi… HI dit que tu dois te souvenir seul.
Il en a de bonnes, HI… il n'a pas reçu… Une lumière devant mes yeux… Le pistolet !
Ma main agrippe celle de Salvo.
— Salvo, ils ont des pistolets ces salopards ! Ils m'ont tiré dessus, tu te rends compte…
Cette fois il sourit.
— Tu nous as fait peur, tu sais… Bon, maintenant j'ai le droit de te donner le biodopant.
Quelle saloperie ce truc. HI nous en fait boire à chaque réveil, après une hibernation, mais je ne m'y habituerai jamais ! Je me laisse aller en arrière et jette un œil autour. Mais… c'est ma chambre ? On m'a ramené dans l'île ? Je devais être pas mal amoché…
— Ça va maintenant ?
— Oui, beaucoup mieux.
— Cal…, j'ai de mauvaises nouvelles…
Un coup au cœur… Je me sens pâlir.
— Giuse ?
Il incline la tête.
— Ils ont été pris à revers et Siz a reçu une balle, lui aussi. Son cerveau analytique a été débranché, il n'a pas pu me prévenir. Giuse a disparu… et Nela aussi… On n'a pas retrouvé leurs corps !
— File-moi un coup de ton truc, là.
— Pas deux fois de suite, Cal. C'est dangereux…
— Fais ce que je te dis, bon Dieu !
Ça me secoue ! Je suis en nage brusquement. Mais mon esprit tourne mieux brusquement.
— Depuis combien de temps je suis ici ?
— Trois semaines.
— Quoi !
— Les Vahussis t'ont recueilli et ne voulaient plus te lâcher. HI a déclaré que tu devais être endormi, alors on te donne du Baxal depuis trois semaines ! Maintenant tu es tiré d'affaire. La commotion est guérie. HI ne pouvait pas faire autrement, comprends-le !
— Et Giuse, qu'est-ce qu'on a fait pour Giuse ? je demande d'une voix dure.
— Le Capitaine du détachement l'a fait rechercher, mais rien.
Il faut que je reprenne mon sang-froid… Mon Dieu Giuse ! Giuse !… Réfléchir… Il… il n'est peut-être pas mort ? On devrait avoir trouvé son corps…
— Raconte ce qui s'est passé, je dis d'une voix éteinte.
— Le Capitaine a remporté une victoire. On a eu plus de victimes que prévu mais pour le reste tout s'est passé comme prévu. On a laissé fuir des survivants pour faire savoir ce qui s'était passé. Et aucune autre patrouille n'est apparue vers le fleuve. Cal…, il faut que tu manges, maintenant. Techniquement HI dit que c'est terminé, mais tu dois reprendre des forces.
Reprendre des forces, oui, c'est ça.
*
Je viens de voir Chak. Pénible. Il ne sait trop quoi me dire. Il a fait multiplier les patrouilles. Et toutes sont parties avec des oyinous pour envoyer un message immédiatement si elles apprennent quelque chose.
Pendant les rares moments où je fais attention à ce qui se passe autour de moi je m'aperçois que l'on est plein d'égards pour moi. Les soldats que je croise me saluent gentiment, la maison croule sous les cadeaux.
J'ai été incapable de reprendre mes cours de médecine. J'ai commandé à HI un énorme bouquin d'anatomie et de chirurgie simple, imprimé selon les méthodes de l'époque, et j'en ai fait cadeau aux religieux. Ils travaillent seuls, avec le mannequin.
Kil est parti en patrouille. À peine revenu il est reparti. Un brave type. Je ne peux pas lui dire que nos recherches sont beaucoup plus efficaces. Officiellement j'ai lancé trente de mes cavaliers en patrouille. En fait, avec les Dix ils sillonnent le pays en plates-formes anti-G, la nuit, et posent des questions aux habitants des villages, dans la journée.
Un galop d'antli me tire de mes pensées. Une visite. Je n'ai pourtant envie de voir personne…
— Cal !
C'est Lou qui débarque dans ma chambre.
— Quoi ?
— Un messager de Chak. Viens le voir.
— Il a dit quelque chose ?
— Une patrouille a entendu parler de prisonniers de chez nous.
— Hein ?
Bon Dieu ! le premier signe… Je l'agrippe.
— Qui ?
— On ne sait pas. Des soldats. On les balade de village en village dans des cages sur roues.
— Des cages !
— Oui… Les Noirs font leur propagande !… Il y aurait une femme avec eux.
— Nela ?
— On ne sait pas. Viens voir le messager.
Je dévale l'escalier.
— Raconte, je fais avidement au cavalier qui attend en bas.
… Rien de plus que ce que Lou m'a dit. Mais c'est un espoir. J'ai fait partir une plate-forme vers le village en question. Je saurai demain matin.
*
C'était bien des prisonniers de chez nous, Belem est formel, mais qui ? En tout cas la colonne des Noirs est passée il y a un mois… Où est-elle maintenant ?
Il faudrait pouvoir être sûr, cette attente me tue. Mais comment savoir ? Le… Ça y est j'ai trouvé !
— Lou ! Siz ! je hurle en traversant la maison.
Ils arrivent au galop.
— Lou, demande à HI s'il pourrait réaliser des portraits de Giuse et de Nela.
— … Il dit que oui.
— Peints ?
— … Oui.
— Dis-lui de faire vingt petits médaillons de chacun. On en donnera un ou deux aux patrouilles vahussies et nos gars prendront les autres. Comme ça on saura…
*
— Cal, ils sont vivants !
J'ai la tête qui tourne soudain. Je m'appuie à une chaise. Je ne suis pas encore bien costaud. C'est Siz qui vient d'entrer comme une bombe. Siz-le-nonchalant, qui ressemble à un épileptique en crise, maintenant.
— Ripou a trouvé une femme qui est sûre de les avoir vus, dans une cage sur roues, avec un autre prisonnier.
— Elle en est sûre, vraiment ?
— Oui, seulement…
Ses lèvres se pincent.
— Quoi ? Merde ! Parle…
— Elle dit que l'homme, enfin Giuse, est en mauvaise santé, amaigri, et… qu'il a des plaques rouges !
— Oh ! non…
Pas Giuse… Non, pas Giuse… pas la maladie !
— Mais HI avait dit… enfin qu'on pouvait être tranquille.
— Contre un contact occasionnel, oui, pas plus. Et l'autre prisonnier est entièrement rouge…
— Quand… quand était-ce ?
— Un village du Nord. Il y a trois semaines.
Au Nord ? Mais c'est hors de Palar… En plein dans la zone entièrement contrôlée par les Noirs…
Foutus Noirs, je les exterminerai, je le jure !
— Je veux aller voir. Fais prévenir Chak que je pars en patrouille avec vous. Belem va prendre le commandement des gars qui restent. Je ne sais pas quand on rentrera, qu'il ne s'inquiète pas.